Un frisson derrière les rideaux : quand l’ordinaire bascule dans l’étrange
Certains matins, le familier se teinte d'une inquiétante étrangeté. Ce jour-là, une simple vibration des rideaux a suffi à faire vaciller ma réalité. Et si l'invisible guettait derrière le quotidien ?
À 55 ans, j’ai élu domicile dans la solitude, entre les murs rassurants d’une maison que je croyais maîtriser. Ce choix de vie, paisible et prévisible, s’articulait autour de rituels immuables : mon café du matin, toujours dans cette tasse ébréchée, sur ce canapé usé par les années, bercée par la lumière tamisée du salon.
Pourtant, ce matin-là, alors que je savourais ma boisson chaude, quelque chose a perturbé cette routine. Les rideaux d’un rouge profond, habituellement dociles, ont frémi comme poussés par une présence. Puis… ce murmure.
Une voix qui n’aurait pas dû exister

« Ne crains rien… » a chuchoté une voix aussi douce qu’un souffle. Mon corps s’est paralysé. Hallucination ? Réminiscence ? Pourtant, chaque syllabe semblait tangible. Mon pouls s’est emballé tandis que mon regard se rivait sur ces rideaux qui ondulaient… mais cette fois, leur mouvement trahissait une intention.
J’ai rassemblé mon courage pour les écarter d’une main tremblante.
Le vide.
Enfin, presque. L’air vibrait d’une énergie inexplicable, comme si l’espace venait d’être traversé par l’impalpable. Et ce n’était que le prélude.
Le carnet aux souvenirs interdits

Sur le canapé, un objet incongru a capté mon attention : un carnet à la couverture noire, rongée par le temps. Aucun souvenir de l’avoir posé là. En l’ouvrant, une photographie s’en est échappée.
Cette femme rayonnante, c’était Claire. Moi, bien des années plus tôt, serrant contre moi un nourrisson. La date inscrite au dos – 17 août 1981 – a réveillé en moi un écho douloureux. Une vérité que mon esprit refusait : comment aurais-je pu oublier un enfant ?
Quand les rêves deviennent des preuves

Depuis trois nuits, des visions me hantent : une nursery aux couleurs fanées, une voix d’enfant suppliante murmurant « Maman… ». J’y voyais de simples fantômes de l’inconscient. Mais cette photo a transformé ces ombres en questions brûlantes.
Des lambeaux de mémoire émergent : une chambre d’hôpital, des sanglots étouffés, une décision lourde de conséquences. Et cette certitude glaçante : j’ai volontairement enseveli une part de mon histoire.
L’invisible qui persiste
À cet instant précis, un bruissement derrière mon dos. Les rideaux frissonnent à nouveau. Mon sang se glace. L’atmosphère devient palpable, comme chargée d’une attente. Réalité ou manifestation de ma conscience fracturée ?
Une évidence s’impose : ce matin a fissuré le vernis de mon existence. Et derrière cette faille, un passé patient attend son heure.
Certaines vérités se dissimulent dans les plis du quotidien, jusqu’à ce qu’un frémissement les libère.